« En marge des manifestations des gilets jaunes, des manifestants, repris par des personnalités politiques, ont prétendu avoir été victimes d’intoxication par HCN qui proviendrait des gaz lacrymo … une réponse de RG à un journaliste qui nous a contactés pour un article de « fact-checking » : « Le CS est l’ortho-chlorobenzylidènemalononitrile. Il est plus facilement désigné par les initiales des chimistes qui l’ont synthétisé en 1928, Corson et Stoughton. Son principal mécanisme d’action et celui qui détermine la quasi-totalité des effets rapportés chez des personnes ou des animaux exposés est l’irritation. Le CS, lui-même et certains de ses produits de dissociation, lorsqu’il est mis au contact avec l’eau (ou simplement l’humidité (de l’air, de la peau ou des muqueuses), en particulier, l’ortho-chlorobenzaldéhyde, sont de puissants irritants. Cela explique que les effets observés chez  soient essentiellement des signes d’irritation  oculaires (larmoiement, œil rouge, vision floue…), respiratoire (éternuements, écoulement nasal, toux, difficultés respiratoires), plus rarement digestifs (douleurs abdominales, vomissement…).  La tachycardie, les céphalées, la fatigue qui sont également souvent rapportées sont à mettre sur le compte du stress provoqué par l’effet irritant très marqué. Ce n’est pas seulement et pas principalement la concentration de CS dans la bombe lacrymogène qui détermine la puissance des effets irritants, mais aussi et surtout :
  • sa concentration dans l’air respiré par les personnes exposées (et celle-ci dépend  du site de dispersion (plein air ou locaux fermés), de la quantité dispersée ;
  • le temps de séjour dans la zone contaminée,
  • la nature des adjuvants (en particulier des solvants) de la préparation lacrymogène,
  • la granulométrie de l’aérosol produit,
  • la distance à la source de CS de la personne exposée,
  • la possibilité éventuelle d’une contamination directe par la solution concentrée (avant dispersion en aérosol)…
La plupart des effets irritants associés à l’exposition à des gaz lacrymogènes à base de CS sont modérés et transitoires. Cependant, des accidents plus graves sont possibles : par exemple, en cas d’exposition prolongée dans un local clos ou du fait d’antécédents médicaux personnels diminuant la tolérance aux irritants (c’est le cas de l’asthme, par exemple), ou encore d’un contact direct avec la solution concentrée (qui peut être à l’origine de brûlures sévères, assez souvent suivies d’une eczématisation). Le risque d’intoxication cyanhydrique affirmé par certains n’est que théorique :
  • Au contact avec l’humidité, le CS est hydrolysé en ortho-chlorobenzaldéhyde et en malononitile. Celui-ci, s’il était absorbé pourrait être métabolisé et libérer un ion cyanure. De fait, expérimentalement, l’administration à des rats de fortes doses de CS, par voie intraveineuse ou intragastrique a élevé l’excrétion urinaire des thiocyanates (l’ion thiocyanate est un produit de transformation métabolique de l’ion cyanure) [1].
  • Cependant, dans des conditions réelles ou réalistes d’utilisation du CS, les effets irritants de ce dernier sont trop marqués pour permettre une exposition assez intense et/ou durable pour entrainer une absorption du CS et/ou de ses produits d’hydrolyse, suffisante pour qu’une intoxication systémique soit observable. Chez deux volontaires exposés pendant 20 minutes et un 3ème pendant 90 minutes à 0,5-1,5 mg/m3 de CS (soit des concentrations franchement irritantes), aucun passage systémique n’était détectable [2]. De même il n’a pas été observé de signe d’intoxication cyanhydrique (et plus généralement d’intoxication systémique) dans plusieurs cas d’ingestion accidentelle de CS qui n’ont été suivis que de signes d’irritation digestive.[3]
L’ordonnance jointe à votre mail indique seulement que la personne qui l’a rédigée n’a une connaissance correcte ni des effets du CS, ni de ceux de l’ion cyanure. Quant aux concentrations sériques prétendument élevées de thiocyanates qui auraient été mesurées chez des manifestants, après une exposition, les résultats présentés sont ininterprétables. L’ion thiocyanate est bien un métabolite de l’ion cyanure (que pour une meilleure sensibilité, il vaut d’ailleurs mieux mesurer dans les urines que dans le sérum ou le plasma), mais il y a de nombreuses interférences possibles qu’il faut être en état de contrôler pour que les résultats des dosages soient interprétables. En effet, le tabagisme (actif ou passif) et la consommation de certains aliments (choux, maïs, rutabaga, moutarde, manioc, sorgho, amandes des fruits à noyaux …) sont des sources de thiocyanates. Par exemple, la concentration urinaire des thiocyanates est généralement inférieure à 2,5 mg/g de créatinine chez les non-fumeurs ; elle est, en moyenne, de 4 mg/g de créatinine chez des fumeurs à 15 cigarettes par jour. J’espère que ces quelques informations vous permettront d’y voir plus clair et reste à votre disposition si vous avez besoin de précisions. »